Aujourd'hui, l'Indonésie me tend les bras. Il n'y a que le détroit de Malaka à traverser et me voilà au tout nouvel aéroport de Medan, sur l'île de Sumatra (la grande île au nord du pays). Il est tellement tout neuf que les compagnies aériennes ne disposent pas de terminaux connectés pour les paiements bancaires. Je dois donc régler les 418,000 roupies (ehh ouais, ici aussi) de mon billet pour Bornéo en cash. Ca peut paraitre beaucoup 418,000 roupies. En réalité, ça équivaut à 27€. Il est aussi tellement tout neuf l'aéroport de Medan qu'il n'y a pas encore de boutique pour se procurer une carte SIM. Et il n'est pas non plus renseigné dans ma Bible, donc je ne sais absolument pas où je suis. Ce que je sais en revanche, c'est que je me rends à la gare routière à l'ouest de Medan attraper un bus pour Bukit Lawang, la porte d'entrée du paradis des orang-outans. Je saute dans un taxi qui va me couter les yeux de la tête mais qui va m'offrir de la pop allemande (Du allein kannst du mich verstehen, dans le texte) et les Gipsy Kings. Cela me donne presque envie de faire demi-tour.
En route pour Bukit Lawang
Je saute dans le premier minibus tout pourri en partance pour Bukit Lawang. J'ai tout de même 3 heures de route et il est déjà 14 heures. Le bus peut accueillir 11 passagers. Nous atteindrons le modeste chiffre de 18 paires d'yeux regardant défiler les plantations de palmiers à huile sous des trombes d'eau. J'arrive dans un Bukit Lawang détrempé et grisonnant. Je me fais alpaguer par Jos, gentil Indonésien hémiplégique qui se propose de m'emmener à "Rain Forest", le homestay que je me suis choisi. Il me pousse vers un becak, le rickshaw indonésien, mais je refuse préférant marcher après 3 heures pliée en 4 dans le minibus. Ce que je n'ai pas réalisé, c'est qu'il y en a pour 30 minutes à pied, que mon guide a une patte folle et qu'il recommence à pleuvoir. Fort heureusement, Doni, un gentil Indonésien en motocyclette nous dépasse. Il s'arrête et étant donné qu'il travaille à Rain Forest, Doni, il se propose de m'emmener. Il prend Hardy entre ses jambes à l'avant et moi derrière avec Laurel. Ce sont vraiment de très très bons conducteurs ces Indonésiens! Doni manoeuvre avec aisance dans ces ruelles glissantes et complètement défoncées. Je n'ai pas le temps d'égrenner le chapeler de tous les saints que nous sommes arrivés.
La rivière qui s'écoule au pied de Rain Forest .
Je m'installe dans la chambre 7, au confort sommaire: un matelas jeté sur le parquet, une moustiquaire et voilà. N'empêche, elle a du charme ma chambrette dans cette maison de bois. Je redescends pour m'enregistrer et réserver un trek dans la jungle. C'est pour cela et uniquement pour cela que je suis venue à Sumatra: voir les orang-outans, nombreux dans la forêt environnante. J'ai le choix entre 6-7h de trek et une descente en rivière en une journée, ou 6-7 heures de trek, une nuit dans la jungle, une baignade au pied d'une cascade, une descente en rivière sur deux jours. Je réfléchis 45 secondes et opte pour le trek de 2 jours. De toute façon, il va falloir marcher longtemps. Dormir dans la jungle, ça doit être rigolo. Une fois mon trek réservé, je passe la soirée à discuter avec un Français, une Hollandaise, une Anglaise, pendant que Doni est ses copains chantent en jouant de la guitare. Après quelques bières, je vais me coucher. Demain la journée sera longue. C'est là que Doni frappe à ma porte, un tube à la main: un mélange de plantes de la jungle, idéales pour un massage. T'as raison! Ceci dit, ma lectrice en mal de "romance", à bonne entendeuse, salut!
La vue depuis ma chambre
Le lendemain, lever à 7 heures pour préparer mon paquetage et prendre un solide petit-déjeuner. Un des guides vient me chercher et m'ammène au point de départ, où je rejoins le groupe. Nous serons 6 au total: Michael, Josepha et Jutta venus d'Allemagne, Larissa et Bird issus de Hollande (le pays, pas François) et moi. Nous sommes entourés de 3 guides Madang, Hendricks et Chottey, nos gardes du corps comme ils aiment à plaisanter. Nous entamons la grimpette par une traversée de plantations d'hévéa et de cacao avant d'accéder au saint des saints: le Gunung Leuser National Park. A peine avons-nous pénétré dans la jungle, la vraie, que nous tombons sur un singe-dont-je-n'ai-pas-compris-le-nom.
Le singe mystère et le coude de Madang
A quelques mètres de là, se promène d'arbre en arbre une maman orang-outan et son petit de 6 mois. Nous passons un long moment à les observer quand déboule un gibbon sautillant. Oui, mais... les orang-outans ne peuvent pas voir en peinture les gibbons. La maman orang-outan se met en chasse de l'intrus, le petit bien arrimé à son torse velu, et aidée par un mâle qui croise dans les parages. Le gibbon dégage. Nous aussi, parce qu'on ne peut pas planter la tente après 30 minutes de marche. Nous progressons sur un sentier confortable, un peu de montée, un peu de descente, un peu de plat. Nous tombons sur un autre orang-outan. Nous nous arrêtons, le mitraillons et repartons.
The King of the Jungle
Hop, c'est la pause. Nos guides sortent un régime de bananes, de grosses grappes de ramboutans et des fruits de la passion. Il doit être pas loin de midi, si ce n'est plus. Nous nous ruons sur les fruits. Puis nos guides décident qu'il va peut-être pleuvoir et que nous allons profiter du temps sec pour déjeuner. Ah bon? Les fruits n'étaient pas le déjeuner. Ils sortent de leurs sacs de petits sacs de papiers contenant du nasi goreng, le plat national consistant en du riz frit avec un oeuf frit. Il est encore tiède et délicieux. Mon stage en Inde me permet de manger avec les doigts avec une grande aisance. Nous avons tous un peu de mal à finir notre riz, gavés de fruits que nous sommes.
Nasi Goreng et concombre frais: à table!
Un babouin vient nous rendre visite, essayant de chiper un sac de nourriture que Chottey a malencontreusement laissé trainer. Il lui balance une bouteille en plastique à la gueule, le singe lâche le sac et prend le large. N'empêche,il continue de nous tourner autour pendant un long moment espérant grapiller un ou deux trucs. Ce qui m'a permis de prendre la photo du siècle!
Le sourire du babouin
Après le déjeuner les affaires sérieuses débutent. Nous entamons une descente mortelle, où nous devons nous retenir aux racines pour ne pas glisser. Il a beaucoup plu la veille, le terrain est glissant. Ca dure un long moment. Au fond de la gorge, un ruisseau auquel nous nous rafraichissons quelque peu avant d'entamer la montée tout aussi dure. Je crois crever. Je sue sang et eau et je réalise que je ne suis pas du tout affutée pour les terrains difficiles. Alors que mes compagnons gambadent (ou presque), je suis à la traine et mon sang bouillonne. Il m'est quasiment impossible de te décrire la difficulté du terrain, mon lecteur intrépide. Sache que les pentes sont tellement raides que tu ne fais que regarder tes pieds et chercher des appuis pour t'aider dans ta progression ou pour ne pas te laisser entrainer par la pente. Je pensais que de mettre mes mains dans la boue, m'aggripper à des racines et des plantes sans trop prendre le soin de vérifier qu'il n'y a pas un serpent qui traine ne serait pas pour moi. Ben, je ne me suis pas gênée. J'ai aussi eu une pensée émue pour les combattants au Vietnam, qui eux devaient se trainer un paquetage de 40 kilos. C'est bon, maintenant, je connais l'enfer vert.
Heureusement, elles sont plutôt chouettes les pauses vitamines dans la jungle
Pour la dernière montée (où j'ai failli avoir une crise de nerf tellement on n'en voyait pas la fin) et la dernière descente où je ne savais même plus mon nom, tellement j'étais épuisée, un des guides à gentiment porté mon sac. C'est bien penaude que je suis arrivée au camp, mais j'y suis arrivée, vivante en plus! Au final, nous aurons crapahuté pendant 9 heures. Nous avons pris possession de notre "hutte" au bord de la rivière juste avant la tombée de la nuit. Nous avons tous couru enfiler notre maillot de bain et fait un plouf dans l'eau délicieusement rafraichissante. Puis nous avons dîné de poulet aux épices, de riz, de tofu frit et de curry de légume sous les étoiles. Un peu la classe, non? Notre dîner touchant à sa fin, il a commencé à pleuvoir. Nous avons alors pris possession de la tente pour une soirée de jeux en tous genres animée par Chottey et Hendricks. C'est avec fierté (encore!) que j'ai résolu un problème arithmétique sur lequel nous avons séché pendant 20 bonnes minutes. Tu sais, mon lecteur pernicieux, un de ces jeux avec des allumettes où tu dois en enlever une pour arriver au bon résultat. Bref, ceux qui me connaissent bien sauront à quel point j'ai frôlé l'exploit ce soir là.
La tente: confort (ultra) sommaire.
La nuit a été longue mais douloureuse. Le sol de la jungle est bien dur, même (ou surtout?) après de longues heures de marche. La mise en route le lendemain matin s'est avérée difficile. Mais le ciel bleu et le soleil éclatant venu saluer ma victoire ont partiellement effacé les courbatures et la douleur mentale de la veille. Jusqu'à ce que je m'étale de tout mon long dans les rochers alors que nous remontions la rivière pour nous rendre à la cascade. Belle chute, qui aurait certainement provoqué la bienveillance acerbe de Candeloro et Monfort s'ils avaient pu commenter l'évènement. Je me suis relevée (même pas mal d'abord) et nous avons atteint la cascade. OK, elle n'était pas très haute, mais ne manquaient que les Hollywood chewing-gums au goût très frais pour faire comme dans cette bonne vieille pub des années 80. Une fois de plus, l'eau était délicieuse. Nous sommes redescendus gentiment vers le campement pour déjeuner de nouilles en bouillon. Les guides ont assemblées les grosses bouées en caoutchouc en radeau de fortune et nous avons pris le large.
Au pied du campement, au matin
Nous avons bien rigolé à chaque passage de "rapides", lâchés quelques "ouch" lorsque nos fesses délicates venaient à taper contre le lit rocailleux de la rivière et somme toute bien rigolé. C'est fatigués et heureux que nous nous sommes séparés. Je suis vite repassée à mon homestay récupérer Hardy et mon linge propre et j'ai filé en compagnie de Jutta attraper un minibus pour Medan. Nous y sommes arrivées en début de soirée. Nous sommes descendues dans un des meilleurs hôtels de la ville afin de nous assurer les bons auspices d'une douche bien chaude et d'un matelas douillet. Et oui, demain lever à 4h30 pour me rendre à Banjarmasin, Bornéo, avec une escale de plusieurs heures à Jakarta. Une très belle aventure s'achève, en espérant qu'il y'en aura d'autres, mais plus de trek!