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28 octobre 2013 1 28 /10 /octobre /2013 00:00

Les touristes qui s'aventurent au coeur de Tana Toraja viennent pour assister à une cérémonie funéraire. Il y'en a très souvent vu que de tout temps les hommes sont morts. Et de tout temps, il a fallu se débarasser de leur corps. En ce qui concerne les Toraja, on peut dire qu'ils mettent le paquet. La cérémonie dure 4 jours rassemblant le ban et l'arrière-ban. Ca coûte une blinde à la famille, alors parfois (pour ne pas dire toujours), ça prend un peu de temps pour enterrer le défunt. Ca peut même prendre jusqu'à 10 ans. Ben oui, il faut rassembler assez de sous pour le cercueil, la décoration du tongkanan, l'édification de bâtiments temporaires pour accueillir les invités, il faut nourrir tout ce monde et le "rafraîchir" au vin de palme, il faut aussi sacrifier quelques animaux et j'en passe et des meilleurs.

 

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Le tau tau de Maria Tolando

 

 

Mais que fait la famille du corps pendant tout ce temps? Eh bien elle le garde précieusement à la maison. Elle le bourre de formol pour éviter une décomposition avancée. C'est que la climatisation n'est pas de mise dans les montagnes. En fait, le défunt est considéré comme malade jusqu'à ses funérailles. Si d'aventure tu es invité à te rendre dans une maison avec un "malade", tu seras invité à le saluer et à prendre congé, comme avec n'importe quel autre membre de la famille. 

 

Sulawesi-1728.JPG

Le cercueil trône au centre du tongkanan

 

 

Marta, Carlos et moi nous sommes adjoints les services de Arro, guide de son état, que je ne te recommande pas, vu la pauvreté de ses explications. Arriver jusqu'au village de la cérémonie s'est avéré une chevauchée héroïque, la route principale étant fermée. Arro nous a alors mené par des chemins de traverses impraticables pour mon niveau de conductrice. A tel point que bloquant la route à une voiture dans une descente particulièrement raide et caillasseuse, le passager a proposé de mener mon scooter à bon port pendant que je prenais sa place dans le véhicule. Ahh, ils sont sympas ces Indonésiens! Et surtout, ils m'auront permis de rester en vie pour te conter la suite de mes aventures. Et vu ce qui va suivre, tu aurais été déçu de manquer ça, mon lecteur festoyant.

 

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Accueil chaleureux des touristes que nous sommes

 

 

Nous sommes arrivés au tongkanan de je ne sais trop quel village en fin de matinée. Le cerceuil trône au milieu du tongkanan alors que les invités arrivent et prennent place sous les grenier à riz qui leur est attribué. Les invités les plus prestigieux sont placés au plus près du cercueil. Le porc cuit dans son étui de bambou sous l'oeil sévère du tau tau de Maria Tolando, la défunte. Pour rappel, le tau tau est la statue édifiée à l'occasion des funérailles et qui gardera le cerceuil pour l'éternité. Nous sommes ensuite invités à nous présenter à la famille. Maria n'ayant pas eu d'enfants, ce sont ses nièces et petites-nièces qui nous reçoivent. Nous leur remettons un cadeau (une cartouche de clopes, ce qui est très bien vu) et en retour, nous recevons du thé et des petits gâteaux. Maria avait 90 ans lorsqu'elle est décédée et il aura fallu deux ans à ses descendants pour organiser les funérailles. Lorsque nous prenons congé de la famille, les femmes du village se sont rassemblées autour d'un tronc évidé servant à piler le riz. Elles martèlent en rythme une mélopée envoûtante qui va durer tout le temps du repas qui s'annonce. Nous sommes invités à nous asseoir sur une natte en palme. Une feuille en papier huilé savamment pliée fait office d'assiette. Nous nous servons en riz, en porc cuit dans le bambou (pas mal), en poisson grillé. 

 

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Pump up the volume

 

 

Un prêtre vient clôturer le déjeuner avec un discours ponctué de "Amen" qui a le don de plonger l'assemblée entière dans une douce léthargie. S'ensuit un discours nettement plus tonique du maître de cérémonie qui retrace la vie de la défunte à coups de cris provenant du fin fond de ses entrailles. Il a le don de réveiller tout le monde et de mettre l'assemblée en condition pour la procession, qui est le but de cette première journée. Les enfants se saisissent de fins bambous coiffés de drapeaux de couleurs et ouvrent la marche. Les femmes se rassemblent sous un dais rouge noué au cerceuil tandis que les hommes portent le cerceuil à travers le tongkanan jusqu'au village. Les buffles qui seront sacrifiés suivent le cortège. Ils sont ici au nombre de 7. La procession est un moment joyeux où les hommes secouent à plusieurs reprises le cerceuil de bas en haut en poussant de hauts cris.

 

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 Procession 

 

Une fois de retour au village, le maître de cérémonie annonce le sacrifice du premier buffle. Les enfants se précipitent aux premières loges, en contrebas de la maison. Le premier buffle est toujours sacrifié à l'ouest de l'habitation du défunt et les enfants sont chargés de recueillir le sang de l'animal dans des tubes de bambou. Ah ben oui, je ne t'ai pas précisé que le buffle est égorgé à coup de machette, mon lecteur amateur de gore. Le second sacrifice a lieu au milieu du tongkanan et je suis aux premières loges. Je me dis que si les enfants se réjouissent d'un tel spectacle, je dois bien pouvoir y assister sans tourner de l'oeil. Le buffle est tout d'abord attaché par une de ses pattes à un énorme bambou, cela afin d'éviter qu'il ne se fasse la malle au milieu du public si cela devait tourner mal. La personne chargée de le sacrifier lui entaille la gorge en un coup de machette efficace. Le sang gicle abondamment et l'énorme masse s'effondre au bout de quelques secondes. Puis elle agonise un long moment continuant à respirer par la "trachéotomie" sauvage. En ayant assez vu, nous décidons de rentrer à l'hôtel. Il est déjà 15 heures. En route pour nos motos, nous assistons au sacrifice d'un cochon, pratiqué sur le bord du chemin. Cadeau d'un des invités qui servira peut-être à nourrir tout le monde ce soir. En tout cas, pas besoin de l'égorger pour entendre le doux son de son gruuiiiiikkkk strident. Un coup planté dans le coeur suffit. Ah oui, et bon appétit bien sûr, mon lecteur qui aime à me lire pendant sa pause déjeuner.

 

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Sacrifice de buffle

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commentaires

O
waaaa lire ça à 10h du mat c hard !<br /> mais quelle aventure extraordinaire. tu es prête à remplacer frederic lopez ds RDV en terre inconnue… !!! bisous
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O
Pas mieux que Katia... Tu nous fait rêver ! (au passage, je vais zapper cet article mentionnant l'egorgement de 7 bovins pour les leçons de français de Mehul)
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K
tu as donc salué une femme morte depuis 2 ans et assisté à un égorgement? ça à l'air sympa!
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  • : Viens je t'emmène... J'ai initié ce blog à l'occasion d'un périple de 3 mois en Australie, Nouvelle-Zélande et parcs nationaux US... Et puis j'ai continué à chacun de mes voyages. Si toi aussi tu as la bougeotte et que tu aimes découvrir de nouvelles destinations, tu es sur le bon blog!
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